Dimanche matin, nous partons pour l’École Saint-Joseph
de Laporte, l’une des dessertes de Grand Goâve, située en montagne, dans
l’arrière-pays. Le séjour durera jusqu’à mercredi.
Un engagement matinal force Antonio et Marie à
repousser l’heure du départ; pour sauver du temps et de l’énergie, ils prennent
un moto-taxi. La montée est rapide, quoiqu’en disent leur coccyx. André et moi,
qui sommes têtes de mule, faisons route à pied chargés comme des mulets. En
plus de nos sacs à dos, de nos réserves d’eau et de nos sacs de couchage, André
apporte aussi sa guitare.
Il n’y a plus vraiment de route vers Laporte. En
premier lieu, il faut remonter le cours de la Grande Ravine. En cette saison,
il s’agit de quelques filets d’eau qui rigolent au fond d’une vallée (les
montagnes transpirent à petites gouttes, sans plus). En été et en automne,
lorsqu’Haïti est balayée par les vents et les pluies, le ruisseau devient un
torrent. Près de l’embouchure, le pont de Grand Goâve, en 2005, a déjà été
emporté. Cette année, l’ouragan Sandy a épargné le pont, mais renversé la voie
naturelle qui permet normalement aux camions de circuler dans le lit de la
rivière. Résultat : une longue heure à pérégriner en zigzag parmi les pierres
et la poussière blanche. Le soleil plombe : crème solaire et verres fumés sont
de mise.
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La Grande Ravine |
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André et 7 kg de guitar... |
Le long du chemin, nous rencontrons des femmes qui
font la lessive, frottant le linge sur la roche comme nous râpons des carottes.
Une marchande de bonbons et de boîtes de conserve s’est installée au milieu de
la rivière, sous un auvent pas plus large qu’un parasol. Sur la rive droite,
une usine à clairin, tord-boyau haïtien.
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Ou kap montre nou chemin pou Lapot? |
Pour nous sauver du temps, nous acceptons l’aide
d’un jeune homme qui marche dans la même direction : il nous sert de guide et
s’avère précieux lorsqu’il s’agit de traverser les ruisseaux à gué. Il transporte
avec lui un seau vide qui gémit à chaque enjambée. Ce couinement rythme notre
avancée, qui se fait autrement dans le silence, pour économiser l’eau et les
sujets de conversation.
Arrivé au confluent de la Grande Ravine et de la
rivière Corail, notre guide pointe vers le haut. Il nous faut monter. Aucune
chance de se perdre, il n’y a qu’un sentier muletier. Dès lors commence la partie difficile.
L’ascension dure un peu plus de deux heures, dont la première se fait
presqu’entièrement au soleil. Parfois, quelques jeunes femmes nous narguent,
elles qui progressent deux fois plus vite avec de lourdes charges en équilibre
sur leur tête. Il ne sert à rien de nous meurtrir l’orgueil, nos pieds le sont
suffisamment.
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Serpent de sable |
Le plus haut point du sentier est flanqué par deux
buttes, ce qui lui donne la forme d’une selle et lui vaut le nom Dos d’Âne.
Avant de passer le col, André et moi faisons un petit détour vers une chapelle
où une soixantaine de villageois sont rassemblés. Nous les avons entendus de
loin : ils chantent et dansent comme endiablés pour célébrer la gloire de Dieu.
Spectacle émouvant qui nous remplit d’énergie.
Quelques vingt minutes plus tard, nous apercevons
l’école-chapelle St-Joseph. Antonio, Marie et tout un attroupement nous
attendent au seuil. La porte grande ouverte.
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École Saint-Joseph |
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