vendredi 18 janvier 2013

Jour 6, 7, 8: Saint-Joseph

L’école est magnifique, le décor l’est encore plus.
 
Saint-Joseph
 
Un oasis de verdure

André : C’est un vrai petit paradis ici.
Vieille femme : Le paradis… en enfer.
Elle l’affirme d’un air grave, pour le mettre mal à l’aise, puis elle éclate de rire. Ça résume bien son monde.
Vieil arbre
 
Laporte n’est pas un village. C’est un lieu-dit. À l’échelle de la région, Saint-Joseph est une cathédrale, ce qui fait de nous des bâtisseurs. Depuis les claustras de la nef, on jouit d’une vue sur une vallée profonde et verdoyante, un oasis dans les montagnes, où règnent quelques-uns des plus vieux arbres du pays.
Nous avons une chance exceptionnelle d’être accueillis, nourris et logés le temps de notre visite. Nous nous installons dans le nouveau presbytère, où Joseph Guy (le directeur), Durinville et Woutchy (enseignants de 4e et 5e année) vont jusqu’à nous prêter leur lit. En échange, nous leur apportons du support matériel, des idées, une lampe à l’huile, et des chansons du Québec. Comme la nuit tombe vite en montagne, nous partageons les jeux de dés, les jeux de cartes, les devinettes, les tours de passe-passe, l’obscurité.
On partage l'obscurité


Lundi, mardi et mercredi, c’est la fête. 165 « enfants » âgés de 4 à 20 ans fréquentent l’école (le nombre va croissant d’année en année). La plupart savent que notre visite est synonyme de remous. Nous faisons notre possible pour ne pas chambouler l’horaire, mais il est certain qu’élèves comme enseignants s’attendent et souhaitent la nouveauté. Musique, jeux, activités de bricolage : nous voulons élargir leurs horizons, qui bien souvent se limitent au cloître naturel des montagnes.

Bricos de Marie
Fait dodo, Colas mon p'tit frère...
 
Le 21e siècle finira par rattraper St-Joseph : c’est dans cette optique que l’école a été bâtie. Ce jour ne sera pas nécessairement un jour heureux. La technologie apportera des bienfaits, mais aussi des besoins que les paysans de l’arrière-pays ne connaissent pas ; ils sont pauvres, mais curieux paradoxe,  l’ignorance semble les protèger de la misère. Inévitable destin. Heureusement, l’éducation dispensée à Saint-Joseph prépare les enfants aux défis qui se présenteront à eux dans les décennies qui viendront.
Terrain de jeux


À 200 mètres de l’école, se trouve un terrain où les enfants jouent au ballon et à la corde à danser –  lorsqu’ils en ont. Comme le matériel est rare, je prends les groupes à tour de rôle pour leur apprendre des jeux qui n’en requièrent aucun. Tag statue, gardien du musée, bulldog, kick la cacane, cachette, jeu du couturier, course de trains … jeux communs dont ils n’ont jamais entendu parler. Les enfants se sont amusés comme des enfants… Et les enseignants? Tout autant. Avec un peu de chance, certains prendront l’initiative d’organiser des jeux à leur tour; sinon, l’exercice aura tout de même été trois jours de découvertes.

Frère Jacques en canon...
 
En plus des jeux, nous avons chanté, beaucoup chanté. Le peuple haïtien aime le chant et la danse : pour eux, c’est un acte de dévotion et l’expression de leur intégrité; les enfants de la maternelle ont déjà le sens du rythme. Tous ne chantent pas juste, mais ils chantent avec cœur. L’idée d’une chorale a été semée. Nous verrons, à moyen terme, si le projet est envisageable. Entretemps, je fais une Fräulein Maria de ma personne et leur enseigne le Do ré mi.

Lecture
 
Pendant ce temps, Antonio fait la vérification des bulletins des élèves; André apporte du support pédagogique en mathématique et joue de la guitar; Marie fait un bricolage avec du sable coloré. Nous dressons aussi l’inventaire de la bibliothèque mobile que nous avons apportée à dos de mulets. Au total, plus de 250 livres que nous classons dans des bacs en fonction du niveau de difficulté de lecture. Nous effectuons aussi quelques tests de lecture à l’aide de livres sélectionnés avec soin par ma Johanne, ma maman, en vue d’acheter des livres de lecture obligatoire pour chaque classe. Vers la fin du séjour, nous apportons les bacs au sein des différents groupes d’élèves, et leur laissons loisir de faire des découvertes.   

Mercredi matin, à la récré, les enseignants, la direction et nous-même nous rassemblons sur les immenses racines de l’arbre qui trône à l’entrée de l’école (Marie l’appelle l’arbre de vie). La veille, André a eu une brillante idée, celle de présenter un spectacle pour les élèves mettant à l’honneur les talents musicaux de leurs enseignants, et les nôtres. Monsieur Joseph Guy (directeur), Maitres Woutchy, Durinville, ainsi que madame Margali (1eannée) embarquent dans le projet dès le départ; Maitres Lionel, Arnold et Madame Elda (préscolaire) se laissent aisément convaincre de se joindre à nous eux aussi. Un de nos parrainés, Johnly, nous accompagne au tambour. Ne manque de notre chère Annette (directrice adjointe et préscolaire), qui s’occupe de son père malade.

Le spectacle
Les artistes (Léonel, Arnold, Margali, Woutchy, Durinville, André, Joseph Guy...)
 
Devant une foule qui ne sait trop quoi penser (les enfants n’ont jamais assisté à un « spectacle »), un phoque qui s’ennuie de sa blonde chante l’amour sur les champs Élysées; s’il avait des plumes, il compterait jusqu’à sept et partirait pour… Québec! S’ensuit une série de chants haïtiens, donc je ne peux malheureusement pas rapporter les titres. Pour conclure, une touchante chanson de remerciement est entonnée en chœur par les élèves et les enseignants. Comment partir après cela?
C'est épuisant l'école!
 
Pourtant il le faut : d’autres projets nous attendent anba, à Grand Goâve. De retour au bivouac, nous trouvons le village bruyant, presqu’inhospitalier. C’est que les grillons sont ici remplacés par les klaxons des motocyclettes et par les aboiements des chiens. Par contre, nous retrouvons de vrais lits, l’électricité et l’accès à l’eau courante. La douche nous allège de la poussière accumulée lors du voyage de retour  et elle retombe dans nos esprits. Reste un luisant de beaux souvenirs.  

 

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