jeudi 17 janvier 2013

Jour 5, l'Ascension

Dimanche matin, nous partons pour l’École Saint-Joseph de Laporte, l’une des dessertes de Grand Goâve, située en montagne, dans l’arrière-pays. Le séjour durera jusqu’à mercredi.
Un engagement matinal force Antonio et Marie à repousser l’heure du départ; pour sauver du temps et de l’énergie, ils prennent un moto-taxi. La montée est rapide, quoiqu’en disent leur coccyx. André et moi, qui sommes têtes de mule, faisons route à pied chargés comme des mulets. En plus de nos sacs à dos, de nos réserves d’eau et de nos sacs de couchage, André apporte aussi sa guitare.
Il n’y a plus vraiment de route vers Laporte. En premier lieu, il faut remonter le cours de la Grande Ravine. En cette saison, il s’agit de quelques filets d’eau qui rigolent au fond d’une vallée (les montagnes transpirent à petites gouttes, sans plus). En été et en automne, lorsqu’Haïti est balayée par les vents et les pluies, le ruisseau devient un torrent. Près de l’embouchure, le pont de Grand Goâve, en 2005, a déjà été emporté. Cette année, l’ouragan Sandy a épargné le pont, mais renversé la voie naturelle qui permet normalement aux camions de circuler dans le lit de la rivière. Résultat : une longue heure à pérégriner en zigzag parmi les pierres et la poussière blanche. Le soleil plombe : crème solaire et verres fumés sont de mise.

La Grande Ravine
André et 7 kg de guitar...
Le long du chemin, nous rencontrons des femmes qui font la lessive, frottant le linge sur la roche comme nous râpons des carottes. Une marchande de bonbons et de boîtes de conserve s’est installée au milieu de la rivière, sous un auvent pas plus large qu’un parasol. Sur la rive droite, une usine à clairin, tord-boyau haïtien.

 
Ou kap montre nou chemin pou Lapot?
Pour nous sauver du temps, nous acceptons l’aide d’un jeune homme qui marche dans la même direction : il nous sert de guide et s’avère précieux lorsqu’il s’agit de traverser les ruisseaux à gué. Il transporte avec lui un seau vide qui gémit à chaque enjambée. Ce couinement rythme notre avancée, qui se fait autrement dans le silence, pour économiser l’eau et les sujets de conversation.
Arrivé au confluent de la Grande Ravine et de la rivière Corail, notre guide pointe vers le haut. Il nous faut monter. Aucune chance de se perdre, il n’y a qu’un sentier muletier.  Dès lors commence la partie difficile. L’ascension dure un peu plus de deux heures, dont la première se fait presqu’entièrement au soleil. Parfois, quelques jeunes femmes nous narguent, elles qui progressent deux fois plus vite avec de lourdes charges en équilibre sur leur tête. Il ne sert à rien de nous meurtrir l’orgueil, nos pieds le sont suffisamment.

Serpent de sable
 
Les montagnes de pierre brune sont taillées en forme de presse-citrons; la lumière y fait des clairs obscurs. Sur le bord de la falaise poussent des manguiers et des arbustes, mais la végétation est clairsemée, nous offrant une vue à couper le souffle; dommage parce qu’on l’a déjà court. En contrebas se dessine le serpent de sable que nous avons parcouru, au bout duquel on voit la mer. Je marche plus vite qu’André mais je dois faire des haltes pour me calmer la chamade. André, qui revient d’un voyage au Népal, marche lentement mais sûrement. Au trois quart du chemin, nous entendons le vrombissement de motos. Antonio, Marie et Fritz nous rattrapent et nous dépassent, nous allégeant un peu au passage et nous fournissant une bouteille d’eau de plus.


Parfois ça descent...
...mais plus souvent ça monte!
Le seuil de Laporte
 
Le plus haut point du sentier est flanqué par deux buttes, ce qui lui donne la forme d’une selle et lui vaut le nom Dos d’Âne. Avant de passer le col, André et moi faisons un petit détour vers une chapelle où une soixantaine de villageois sont rassemblés. Nous les avons entendus de loin : ils chantent et dansent comme endiablés pour célébrer la gloire de Dieu. Spectacle émouvant qui nous remplit d’énergie.
Quelques vingt minutes plus tard, nous apercevons l’école-chapelle St-Joseph. Antonio, Marie et tout un attroupement nous attendent au seuil. La porte grande ouverte.

École Saint-Joseph
 
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire