mercredi 24 septembre 2014

Témoignage d'un prisonnier

Les enfants d’Haïti
12h55, assis sur le bord de mon lit, je tarde à me lever. Car je dois assister à une conférence sur Haïti, plutôt la misère entourant le peuple, les enfants d’Haïti. Et bien non! non! Ça ne me plait pas d’y aller! Au fond de moi, une émotion négative s’est installée, mais à ce moment précis je ne pourrais la verbaliser.
Enseignants, étudiants, nous sommes tous présents, à la salle des visites, attendant le début de nos deux conférenciers, Lucie et Antonio. Elle, enseignante de mon école et lui, enseignant retraité je crois d’une autre institution. Ils avaient avec eux diapositives, films et mémoire fabuleuse; on sentait vraiment qu’ils étaient habités par le don de soi. Le sourire et les yeux de Lucie en disaient long sur le lien qu’elle partageait avec ce peuple. Antonio, quant à lui, nous citait l’histoire vécue de chaque étudiant d’une école. Et je suis sûr en l’entendant parler qu’il était aussi fier d’eux qu’un père peut être fier de ses propres enfants.
Nos deux narrateurs nous expliquent à tour de rôle la vie, les embûches, maladie, manque de nourriture, les dégâts occasionnés par dame nature… etc. C’est comme ça, après une intro un peu courte à mon goût, qu’on est passé à la misère et croyez-moi, c’est là que j’ai compris pourquoi je ne voulais pas assister à cette démonstration de pauvreté, qu’ont à vivre des êtres humains. Certains moments j’éclatais de rire pour des riens, tellement en dedans j’étais touché par ce que je voyais et entendais. Pour moi, c’était une façon de me protéger. Mais je savais bien qu’une fois seul avec moi-même, cela, les images et descriptions de leurs malheurs, me rattraperaient.
Comment, en 2014, des enfants, adultes et autres peuvent-ils se nourrir qu’une seule fois par jour? Ne pas avoir de médications adéquates pour se soigner? Ne pas avoir droit à des condoms gratuits afin de prévenir naissance non désirée et maladie. Il me semble aussi qu’à notre époque, l’enseignement devrait être apporté à tous ces enfants, c’est l’avenir d’un peuple, la base du changement. Les gouvernements s’allient pour faire la guerre à ceux qui ne suivent pas leurs lignes de conduite ou mode de vie et bien ces mêmes élus devraient faire front commun pour que tous les enfants défavorisés reçoivent un minimum dans leur vie.
Et malgré tout, ce peuple a trouvé force, courage de rebâtir après un séisme majeur, qui a presque tout rasé. Il ne faut pas oublier aussi le travail des organismes qui leur viennent en aide, mais avec ce que j’ai vu aujourd’hui, il reste encore tellement à faire! Tant à bâtir!
Et soudain ma vie me semble bien belle, à mon retour. Ma cellule avait disparu et ce soir je viens de manger une collation, on peut dire mon quatrième repas de la journée. Quelle ironie, même en étant incarcéré, je suis mieux soigné, nourri, habillé qu’eux, qui n’ont fait aucun mal. Alors pour donner au suivant, je vais moi aussi apporter quelques grains de sable dans le sablier de leur vie.

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